Un abattoir de poulets au bord de la liquidation, un secrétaire d’État pris en otage, des salariés pétris de colère mais aussi d’espoir, le décor est planté. Des châteaux qui brûlent (éd.Verticales), le formidable roman d’Arno Bertina, trouve ici une nouvelle vie. Dans cette version scénique imaginée par l’auteure et la metteure en scène Anne-Laure Liégeois, le rapport au corps et à la parole ne pouvait être mieux interrogé. Loin d’opposer opprimés et dirigeants, ce huis-clos dans cette usine bretonne marque la volonté d’ouvrir à la lutte toutes les intelligences, sans nier d’aucune façon la réelle tragédie d’une situation sociale délitée et les affres du système néo-libéral.
Coutumière des écritures contemporaines, Anne-Laure Liégeois poursuit une démarche théâtrale et politique qui veut faire entendre la voix de chacun. Des châteaux qui brûlent offre la possibilité de restaurer un dialogue toujours surprenant, où le sens de la fête et de la poésie restent inhérents aux combats les plus âpres. C’est dans ce tourbillon de questions, d’idées, de désirs que l’otage en vient à participer à son propre enfermement, comme pour nous rappeler que la contradiction n’est pas forcément un renoncement, bien au contraire. Peut-être nous rend-elle quelquefois simplement humains ?