Publié le 29 juin 2023

Entretien avec Géraud Didier, directeur du Manège

Alors que le Manège entame en 2023 le début de sa métamorphose, entretien avec Géraud Didier, directeur de la Scène Nationale, pour évoquer l’une des missions du lieu : la création et l’accompagnement des équipes artistiques. Où comment se construit un campement d’artistes, situé et porteur d’avenir pour le territoire.

Entretien Sylvia Dubost


Pourquoi avoir choisi Romeo Castelluci et Luk Perceval comme parrains du projet de "campement d’artistes" ?

Luk Perceval et Romeo Castellucci en sont l’inspiration et, pour ainsi dire, ils en parrainent la démarche : ils sont deux artistes inscrits au cœur de la maison Manège, dont les recherches de radicalité accompagnent l’obsession pionnière de la Scène Nationale.

Le campement d’artistes ? Qu’est-ce que c’est ?

C’est tout ce qui permet au Manège d’être au plus près des artistes pour les accompagner, en soutien et en partage, sur les raisons d’être de leur projet. Souvent, les artistes ne savent pas où répéter, ils ont besoin de théâtres disponibles et ouverts, de temps de travail avec une équipe technique, et ici ils ont un environnement privilégié. Ils peuvent finaliser une production, faire quelques réglages, et ont neuf ou dix plateaux à disposition, entre le Manège, la Luna, l’Atelier Renaisssance, la salle Sthrau, la Gare numérique, l’espace culturel André Malraux à Jeumont...

Concrètement, comment cela fonctionne ?

Certaines semaines, on peut accueillir 60 personnes ! On sait gérer de la multi-résidence et de la co-activité, créer un état d’esprit pour que les gens se rencontrent. On peut coproduire, faire de l’apport en industrie, financer des productions en totalité sous forme de productions déléguées.

C’est donc une vision qui dépasse la « simple » résidence d’artiste ?

Cette approche a doublé les recettes propres (la vente de ces spectacles représente autant que la totalité des recettes de la saison) et crée de l’emploi artistique et technique. La culture, c’est aussi une économie du travail. Pour cela, on a besoin d’un écosystème. Pour des dates courtes, on travaille avec des hôteliers, mais une résidence, c’est en moyenne 15 personnes, 100 fois par an, soit 1500 nuitées. L’hôtel, c’est beaucoup d’argent et donc des spectacles en moins. Aujourd’hui, avec la maison à côté des bureaux et l’appartement au coeur du jardin, on a déjà neuf chambres. Entre les deux, les Cantuaines vont être transformées pour accueillir onze logements.

La culture, c’est aussi une économie du travail ?

Bien sûr ! Pour cela, on a besoin d’un écosystème. Ainsi, on ne fragilise pas la saison et on devient de plus en plus fort pour accompagner les artistes. Cette organisation bâtimentaire, où les bureaux, le jardin et les logements sont reliés, crée un écosystème exceptionnel que les artistes adorent. D’ores et déjà, c’est un espace de croisement des énergies où naissent des projets qui alimentent la saison et le festival iTAK. 1+1 font rarement 2, mais plutôt 3, 4, 5 !

L’esthétique que défend Le Manège ?

Une esthétique de l’offensive amoureuse. De la conquête. Ce qui vous attaque c’est ce qui vous fait bouger, pas nécessairement ce qui vous agresse ou vous fait offense. L’enjeu est bel et bien de mettre au travail et le corps et l’esprit, de faire tomber certaines limites, en déplacer d’autres. Ce n’est pas une guerre, pas une chasse à courre, c’est l’entreprise de possiblement persuader l’autre de vivre autrement.